C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

26 décembre 2016

Monsieur le curé d’Anduze et l’affaire du bâton volant…

Bataille de Trafalgar par Auguste Mayer (1805-1890)
Ce jour là, premier brumaire de l’an quatorze (23 octobre 1805), Jean Coulomb aîné, le juge de paix, se rend à son cabinet anduzien accompagné de son greffier Jacques Gache. Ayant assisté avec un certain nombre de représentants des cantons de France au sacre de Napoléon 1er quelques mois plus tôt à Paris, il ne sait pas encore qu’il y a deux jours l’Empereur a subi son premier grand revers militaire avec la défaite franco-espagnole à la célèbre bataille navale de Trafalgar. Le héros anglais, l’amiral Nelson, ne profitera pourtant jamais de cette victoire car touché par une balle mortelle ajustée par un tireur d’élite français. Si la destruction de la majorité de ses navires engagés lui interdira définitivement son projet d’envahir l’Angleterre, nous savons que l’Empereur se rattrapera quelques temps plus tard avec différents succès terrestres à travers toute l’Europe…
Mais revenons à l'actualité locale avec notre juge et officier de police judiciaire de la ville et du canton d’Anduze qui enregistra à dix heures du matin une plainte bien particulière… En voici le texte transcrit tel quel d’après l’original, avec sa ponctuation très procès-verbal !…

Est comparu Mr Roqueplane, curé de cette ville d’Anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après la déclaration du dit Mr Roqueplane, qui nous a dit que le jour d’hier sur les huit heures et demie du soir, en sortant de chez lui pour aller veiller chez Mr Dominique Benoist et après avoir tourné le coin de sa maison, on lui lança de dessus la place Saint-Etienne un gros bâton de chêne vert, qui avait servi de manche à une hache, et qu’heureusement n’en ayant pas été atteint il se porta sur le lieu d’où le coup était parti, qui y étant arrivé il rencontra un enfant de l’âge de quatorze ou quinze ans, a qui il demanda comment il s’appelait, et d’où il était. Cet enfant satisfit à sa demande, mais l’émotion ou il était lui a fait oublier sa réponse. Il lui demanda ensuite ce qu’il faisait là, et s’il n’avait pas vu quels étaient ces polissons qui lui avait lancé le bâton. Il lui avait répondu qu’il faisait son chemin, qu’il avait bien vu des hommes qui après avoir lancé le bâton dont il se plaignait, s’étaient enfuis avec précipitation mais qu’il ne les avait pas reconnus, que voyant qu’il ne pouvait découvrir quels étaient ces individus, il continua sa route et qu’il rencontra à quelques distances de là les nommés Nissaret marié avec la fille de Bourrely, et Parlery dit Xaron, tous deux garçons chapelier habitants de cette ville, lesquels voyant le plaignant alarmé l’invitèrent à se retirer et offrirent de lui faire compagnie. Ils descendirent en conséquence pour aller chercher le bâton, et ils rencontrèrent la femme Privat qui portait une lanterne allumée de laquelle ils se servirent pour le trouver, lequel dit bâton nous a été remis par le plaignant comme pièce à conviction. Il nous a encore dit que ce qui le déterminait à porter cette plainte c’est que dans le courant de l’hiver dernier, il lui fut à deux différentes reprises lancé des pierres en sortant de chez lui, par lesquelles il ne fut jamais atteint, et comme il craint que cela ne soit quelque ennemi qui lui en veuille il est venu nous en porter la plainte, et nous a déclaré vouloir en poursuivre les auteurs si jamais il parvient à les découvrir, affirmant tous les faits ci dessus rappellés vrais et sincères, et a signé Roqueplane curé d’Anduze. 

Nous juge de paix officier de police judiciaire sus dit avons donné acte au dit Mr Roqueplane de sa comparution, et désirant découvrir les auteurs du délit dont il se plaint, pour les faire poursuivre avec toute la rigueur des lois, avons mandé venir les nommés Nissaret et Parlery, pour savoir par eux-mêmes s’ils n’avaient pas connu les individus qui avaient lancé le bâton dont se plaint le dit Mr Roqueplane, et pour nous dire le nom de l’enfant qui avait été trouvé sur la place St Etienne. Les dits Nissaret et Parlery arrivés nous ont dit qu’ils ne se trouvaient pas là au moment où le bâton avait été lancé, qu’ils avaient rencontré Mr le curé se plaignant, qu’ils avaient offert de l’accompagner et qu’ils avaient ensemble cherché le bâton, qu’ils avaient trouvé à l’aide de la lanterne de la femme Privat, qu’ils avaient rencontré chemin faisant. Nous leur avons encore demandé s’ils ne reconnaissaient pas le dit bâton, ils nous ont dit que non. Nous leur avons aussi demandé comment s’appelait l’enfant qui avait été trouvé sur la place St Etienne lors de cet événement, ils nous ont répondu qu’il s’appelait Pierre Dupuy, de Graviès dépendant de cette commune travaillant en qualité d’apprentis chez Massot aîné serrurier de cette ville. Nous l’avons de suite mandé venir, étant arrivé il a répondu aux diverses demandes que nous lui avons faîtes, qu’il se trouvait sur la place St Etienne a attendre un de ses camarades lorsque Mr le curé se plaignit qu’on lui avait lancé le bâton, qu’il avait vu trois personnes venant du côté de Beauregard, que l’une d’elles s’était arrêté à la fontaine, et que les deux autres s’étaient avancées jusqu’au platane et que de là l’une d’elles avait jeté le bâton et s’étaient tous enfuis à toutes jambes quand ils avaient entendu qu’on se plaignait. Nous lui avons encore demandé s’il n’avait reconnu aucun des dits individus et nous a répondu que non. Voyant que nos démarches sont inutiles pour découvrir les auteurs du délit dont se plaint le dit Mr Roqueplane, nous avons dressé le présent procès verbal pour, au cas on vienne à bout d’en découvrir les auteurs, ils soient poursuivis par devant les tribunaux compétents, et plus avant n’ayant été procédés, nous nous sommes signé avec notre greffier.

13 décembre 2016

Nuit agitée pour la Garde Nationale d’Anduze !…


Avec la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830 (les « Trois glorieuses ») où Charles X fut contraint de laisser le trône à son cousin le duc d’Orléans Louis Philippe, le nouveau pouvoir rétablira la Garde Nationale à travers tout le pays. Anduze, chef lieu de canton, abrita la cinquième compagnie commandée par le capitaine Bony.
Ce petit préambule pour vous situer le contexte général du document inédit que je vous propose de découvrir. Il fait parti des nombreux « vieux papiers » poussiéreux que j’ai trouvés au milieu du désordre des cartons de livres réformés de la bibliothèque. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer quelques-uns d’entre eux lors de précédents billets et je vous en soumettrai encore d’autres assez étonnants…
Tous ces différents témoignages anciens de la vie quotidienne d’Anduze qui méritent de gagner nos archives municipales, souvent amusants et émouvants avec le recul des années, peuvent être aussi particulièrement violents. Mais ces derniers, comme celui d’aujourd’hui, participent également à leur façon d’une meilleure connaissance de notre histoire locale accompagnée bien sûr depuis toujours de son cortège de délinquances et de brutalités inhérent à nos sociétés, quels qu’en furent et quels qu’en soient leurs modèles…


Garde Nationale d’Anduze
Rapport du sergent de garde du poste établi au quartier des Casernes
du 1er octobre mille huit cent trente

Hier soir à onze heure de la nuit le nommé Claude Firmin Chaudesaigues, chaudronnier et propriétaire foncier demeurant à Anduze, s’est introduit sans motif dans le corps de garde. Le sergent soussigné l’a invité à se retirer, ce qu’il a refusé de faire, disant qu’il souhaitait coucher au corps de garde. Cette autorisation lui a été accordé, sous condition qu’il serait tranquille. Mais au lieu de cela et lors d’une courte absence du sergent, il a voulu plaisanter avec le sieur Jean-Jacques Cornier, caporal de service, en faisant des gestes avec la main comme voulant tirer des armes. Cela étant ainsi Chaudesaigues a frappé méchantement le caporal Cornier et le renversa sur le lit de camps. En même temps d’une main il le saisi au bras et lui a donné deux coups de poing. Ce qui a obligé le caporal à crier au secours. Alors la garde entière voyant la fureur avec laquelle allait Chaudesaigues, le saisi et l’a enfermé dans la prison. La résistante colère qu’opposait Chaudesaigues a causé plusieurs blessures au sergent du poste à la main gauche et sans le prompt secours apporté au caporal, la force et la brutalité de l’assaillant aurait pu compromettre sa vie. Pendant toute la nuit Chaudesaigues n’a pas cessé de murmurer d’égorger les gens de garde lorsqu’il aurait sa liberté.
En foi de quoi le rapport a été fait pour être transmis à qui de droit.
A Anduze le premier octobre 1830


Suivent les signatures du sergent et du caporal, et celle du capitaine précédée de « Le capitaine de la 5ème Compagnie de la Garde Nationale d’Anduze, soussigné, certifie que les signatures ci-dessus sont sincères et véritables. Anduze le 1er octobre 1830 »

22 novembre 2016

François-Félix de La Farelle et les seigneurs d’Anduze… 3

Voici le troisième et dernier volet de cet article concernant le destin funeste de la première et grande maison féodale d’Anduze, certes victime de sa loyauté envers son suzerain, mais aussi sans aucun doute de la jalousie au plus haut niveau de la couronne… Un texte dont le style s’inscrit bien dans son époque avec notamment en guise de conclusion une envolée lyrique caractéristique de ce milieu du dix-neuvième siècle !

 


« Au bruit de sa marche, presque toutes les villes, presque tous les châteaux, presque tous les barons de nos contrées se hâtèrent de lui envoyer ou apporter leur soumission. Bermond de Sauve lui-même, qui avait alors succédé à Bernard VII d’Anduze, son grand-père, se rendit à sa cour, et lui prêta hommage lige en 1226, pour tous ses châteaux et domaines. Après une lutte désespérée de deux ou trois ans, le comte de Toulouse, découragé, consentit à son tour à faire la paix et à subir les conditions du vainqueur ; mais Louis VIII, étant venu à mourir sur ces entrefaites, le traité ne fut signé qu’à Paris, en 1229, avec Blanche de Castille, sa veuve, reine régente du royaume et tutrice du jeune Louis IX, son fils. Raymond VII, renouvelant alors la fameuse humiliation de son père au concile de St Gilles, se présenta le jeudi saint, devant le grand portail de Notre-Dame, pour y faire amende honorable. « Ce fut un spectacle bien digne de compassion, dit un auteur contemporain, de voir un si grand homme qui avait résisté à tant de nations, être conduit à l’autel en chemise, en haut de chausse (in braccis) et nu-pieds. » Les coups de verge lui furent seuls épargnés par le légat, ce que l’on doit considérer comme un véritable progrès ; mais ce qu’on ne lui épargna point au contraire, ce fut la spoliation de la majeure partie de ses états. Il en fut dépouillé soit au profit de la couronne de France, soit en faveur du saint Siège, à l’égard du marquisat de Provence et de ses autres possessions au delà du Rhône.
 
« Raymond conserva seulement la ville de Toulouse avec son territoire épiscopal et quelques autres terres de médiocre importance ; encore même fallut-il remettre Jeanne, sa fille unique, à peine âgée de huit ans, entre les mains de la reine régente, pour être plus tard mariée à celui des frères de saint Louis que désignerait ce monarque. A cette condition, elle devait hériter de la ville de Toulouse et des autres domaines laissés à son père : mais le tout devait, après elle et à défaut de postérité, faire aussi retour à la couronne de France.
 
« Nous n’avons sans doute pas besoin de signaler la portée de cette dernière clause qui excluait la maison d’Anduze, ou pour mieux dire Bermond VII, de ses droits éventuels à la succession de Raymond VI, son aïeul. On ne voit pas néanmoins que Bermond ait alors protesté contre cette spoliation future ; peut-être ne l’osa-t-il pas en présence du monarque français victorieux ; peut-être n’y apporta-t-il qu’un médiocre intérêt, supposant ou que Jeanne aurait des enfants, ou que Raymond se procréerait d’autres héritiers ; mais ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne se réalisèrent, quoique la jeune princesse de Toulouse eût été mariée, même avant d’être nubile, au prince français Alphonse.
 
« Quatorze années après le traité de Paris, c’est-à-dire en 1242, les circonstances parurent favorables au comte Raymond pour essayer de rompre, avec le tranchant de son épée, ce traité si fatal à sa gloire, à son ambition et à l’avenir de sa race. Le roi d’Arragon, les comtes de Provence, de Foix, de la Marche, et de Comminge, se montraient disposés à le seconder. Le roi d ‘Angleterre, son oncle, promettait de faire une utile diversion du côté de la Guyenne, et avait déjà débarqué à Bordeaux avec une armée. Presque tous les seigneurs et barons de l’ancienne mouvance du comte, semblaient las de supporter le joug des Français, dont les habitudes, la rudesse et la hauteur les fatiguaient et blessaient singulièrement. Les peuples eux-même regrettaient leur ancienne indépendance de toute domination étrangère, et le gouvernement d’un prince, leur compatriote, dont les ancêtres régnaient sur eux depuis quatre siècles.
 
« Une ligue formidable se forma donc, en deçà de la Loire, contre la royauté française. Avons-nous besoin de dire que Bermond ne fut ni le dernier, ni le moins ardent à s’y jeter. On peut hardiment conjecturer qu’il en fut même un des principaux moteurs. C’est que, pour lui, il ne s’agissait pas seulement de satisfaire des antipathies nationales et de se soustraire à un joug odieux ; du succès pouvait sortir, au profit de sa famille, l’éventualité d’une brillante couronne, éventualité qui se fût même réalisée, car Alphonse et Jeanne de Toulouse moururent plus tard sans enfants, ainsi que nous l’avons énoncé tout à l’heure. Mais la fortune, ou plutôt la Providence, en avait décidé autrement : la prise d’armes du comte de Toulouse échoua rudement et rapidement. Le roi d’Angleterre fut battu par les troupes de saint Louis ; le comte de la Marche se détacha de la ligue ; le comte de Foix et les autres princes confédérés se soumirent. Raymond lui-même n’eut d’autre parti à prendre que de se mettre à la merci de son suzerain. Il obtint son pardon, rendit tous les châteaux et bourgs dont il s’était emparé, s’engagea à raser les fortifications de Toulouse, et se vit seulement condamné à se renfermer dans l’observation plus stricte, plus rigoureuse que jamais, du traité de Paris.
 
« Restait l’infortuné Pierre Bermond, qui avait maintenant à supporter seul tout le poids du courroux du monarque français. Aussi fut-il plus maltraité que tous les autres ; et l’on peut le considérer comme la victime sacrifiée à la vengeance, ou mieux encore, aux craintes intéressées du vainqueur. Toutes ses terres et seigneuries furent confisquées et réunies à la couronne, moyennant une pension héréditaire de 600 écus, qui lui fut octroyée, et la cession de la baronnie d’Hierle, dont il ne put même jamais obtenir la remise, malgré ses réclamations réitérées. Défense expresse lui fut faite de jamais remettre les pieds dans les cités et châteaux d’Anduze, Sauve, Sommières, Alais, etc. Ainsi s’éteignit dans nos contrées la domination de la maison seigneuriale d’Anduze. – Tandis que la branche des Raymond Pelet conservait seule sa portion de la seigneurie d’Alais en commun avec le roi de France, la descendance directe de Bermond VII se dispersa dans les provinces voisines, où nous la voyons apparaître de temps à autre portant toujours le nom d’Anduze, mais sans autre rapport que ce nom avec la cité qui le leur avait donné. En 1259, par exemple, sept ans après la mort de Bermond, Guillaume d’Anduze, son fils, et Philippine, sa fille, vicomtesse de Narbonne, font donation à Aymeri de Narbonne, leur neveu et fils, du comté de Tripoli, en Syrie, ou, pour parler plus exactement des prétentions que les comtes de Toulouse avaient eues sur ce comté ; ils font cette donation comme héritiers de Raymond VI, leur bisaïeul, et de Constance de Toulouse, leur grand-mère, tant il est vrai que le traité de 1229 avait seul ravi à la maison d’Anduze son droit héréditaire à la succession des comtes de Toulouse. Ce vain titre de comte de Tripoli fut donc le seul débris que cette maison sauva du grand naufrage de 1242 et 1243.– Que, si la ligue de la grande féodalité méridionale contre la couronne de France avait, au contraire, réussi, Anduze aurait eu, selon toute apparence, l’honneur de donner une dynastie royale à ce que l’on pourrait fort bien appeler le royaume de la Languedoc.

« Mais faut-il regretter qu’un tel événement ne se soit point réalisé ? Non, sans doute, car sa réalisation allait à l’encontre des hautes destinées historiques, réservées à notre glorieuse patrie. Il fallait, pour l’entier accomplissement de ces destinées, que le comté de Toulouse, comme les duchés de Normandie, de Bretagne, de Bourgogne, comme la Franche-Comté, la Provence et le Dauphiné, perdissent tour à tour leur rang d’états souverains, et devinssent les simples provinces de la monarchie la plus homogène, la plus compacte peut-être qui ait jamais existé. Oui, les choses devaient ainsi se passer, pour que toutes ces nationalités distinctes, languedocienne, normande, bretonne, bourguignonne, comtoise, provençale, dauphinoise, etc., fussent un jour, au beau soleil du 19.me siècle, fondues en une seule et immense nationalité, la grande nationalité française. »

9 novembre 2016

François-Félix de La Farelle et les seigneurs d'Anduze… 2


« Cette mémorable alliance de la maison d’Anduze avec la maison souveraine de Toulouse, s’effectua dans un moment où cette dernière avait grand besoin de se ménager l’appui de ses principaux vassaux ; car elle allait se trouver en bute à une ligue formidable, dont le prétexte était la prétendue complicité du comte Raymond VI avec l’hérésie ou révolte religieuse des Albigeois, et la véritable cause, la jalousie que sa trop grande puissance inspirait à tous les potentats ses voisins. Raymond VI, en voyant s’approcher l’armée des croisés, qui, sous les ordres de l’impitoyable Simon de Montfort, venait fondre sur ses sujets accusés d’hérésie, prévit bien que l’orage ne tarderait pas à éclater sur sa propre tête. Il jugea donc indispensable de se réconcilier au plus vite avec le saint Siège, et se rendit au concile de St-Gilles, pour y obtenir la levée de l’excommunication fulminée contre lui. Il y reçut, en effet, son absolution ; mais à quel prix ? au prix de l’humiliation la plus profonde qu’un prince souverain ait jamais eue à subir. M.e Milon, notaire et légat du pape, après avoir exigé son serment d’obéissance au chef de l’Eglise, lui fit passer une étole au cou, et, la prenant par les deux bouts, il l’introduisit dans l’église en le fouettant avec une poignée de verges(1) (Histoire du Languedoc). Bermond, son gendre, eut la douleur d’assister à cette humiliante cérémonie, ainsi que Bernard VII d’Anduze, et douze autres grands vassaux de l’infortuné comte Toulousain.
 
« Celui-ci n’obtint même pas, pour prix de cette inconcevable faiblesse, d’être plus épargné que ses malheureux sujets, menacés par la croisade, et, en moins de trois ans, Simon de Montfort l’avait dépouillé de la presque totalité de ses états. Il parait que Bermond, peu jaloux de se faire envelopper dans la disgrâce de son beau-père, non-seulement ne fit pas de grands efforts pour le défendre, mais joignit ses bandes cévenoles aux croisés qui assiégèrent et prirent Béziers. IL ne tarda même pas à séparer plus nettement sa cause de celle de son beau-père et de son neveu le jeune comte Raymond VII. Instruit que le roi d’Aragon, à la prière du vieux comte découragé, intercédait auprès du saint Siège en faveur de ces deux princes, il envoya, de son côté, un ambassadeur à Rome, pour y réclamer l’investiture et la mise en possession de l’entier héritage de Raymond VI. Selon lui, cet héritage revenait de droit à son épouse Constance, seul enfant légitime dudit Raymond, son fils étant, au contraire, illégitime comme issu d’une femme épousée par son père du vivant de Béatrix, sa première compagne. Voici, du reste, la partie la plus importante de sa lettre, telle que don Vaissette nous l’a conservée.
« Moi et mes ancêtres étant spécialement vassaux de l’Eglise romaine, de laquelle nous tenons une partie de nos domaines sous un certain cens, et lui ayant été obéissants et dévoués, je ne doute pas que votre Sainteté ne me réserve tous mes droits. J’ai épousé une fille du comte de Toulouse, laquelle est le seul enfant légitime qu’il ait ; ainsi les domaines de ce prince m’appartiennent à plus juste titre qu’à tout autre. Je prie donc votre Sainteté de ne pas instituer héritier Raymond, fils du comte de Toulouse, supposé qu’il vous en prie, ou quelque autre pour lui, et de ne pas le regarder comme légitime, parce qu’il ne l’est pas, étant né d’une femme (Jeanne d’Angleterre) qui était parente de son père au troisième degré, et que ce comte a épousée durant la vie de la mère de mon épouse, sa femme légitime. Si le jeune comte de Toulouse était institué héritier, non-seulement notre droit serait anéanti, mais tous les soins que les croisés se sont donnés pour rétablir la foi dans la province de Narbonne, deviendraient inutiles. » Pierre Bermond termine sa missive en promettant de se soumettre tout ce qu’ordonnera le pape, et se déclare son chevalier. Mais le pape avait des engagements trop positifs avec Simon de Montfort, pour faire droit à cette requête, qui est de 1212.
 
« Bermond VI eut pour successeur, même avant la mort de son père Bernard VII d’Anduze, arrivée en 1222, un autre Pierre Bermond, septième du nom, son fils aîné.(1) (M. Paulet, et à sa suite tous les historiens qui ont écrit spécialement sur les annales anduziennes, ont confondu ce Bermond VII, petit-fils de Raymond, avec Bermond VI, son père, époux de Constance, ce qui a occasionné, de leur part, d’étranges bévues. Paulet fait pis encore, il confond Raymond VI lui-même avec Raymond VII, qu’il fait fouetter à St-Gilles, en 1229 au lieu de 1209, à la place du comte son père. Ces deux méprises avaient jeté le désordre le plus complet dans cette partie de son histoire, que nous avons tâché d’élucider.)
 
« Peu après, en 1218, la mort de Simon de Montfort, tué au siège de Toulouse, vint ranimer le courage et rétablir les affaires de son aïeul, le vieux comte de Toulouse ; mais celui-ci, avant de se remettre en campagne, voulut se réconcilier avec la puissante maison d’Anduze, et conclut, à Perpignan, un véritable traité d’alliance avec son petit-fils. Par ce traité, dont le texte latin nous est parvenu, Raymond VI, comte de Toulouse, accorde à Bermond de Sauve, 1.° le château de Laroque-Valsergue, en Rouergue, avec toutes ses dépendances ; 2.° ses droits sur les comtés de Milhau et du Gévaudan, que le roi d’Aragon lui avait engagés moyennant 4,000 marcs d’argent fin ; 3.° la suzeraineté et domination qu’il avait lui-même sur les terres de Raymond Pelet, co-seigneur d’alias et autres lieux ; 4.° enfin, la suzeraineté et domination qu’il avait également sur toutes les possessions, tant de Bernard VIII d’Anduze, seigneur de Portes, oncle de Bermond, que de Vierne de Melgueuil, femme de ce même Bernard. De son côté, Bermond s’engage envers son aïeul à le servir et soutenir envers et contre tous, excepté contre le pape et le roi de France, à moins qu’ils ne refusassent de lui faire justice.
 
« Le seigneur de Sauve renonça, sans doute aussi, implicitement du moins, aux prétentions élevées par son père et sa mère, sur les autres états du comte de Toulouse ; car, à la mort de ce dernier, arrivée en 1222, Raymond VII, son fils, s’en mit tranquillement en possession, sans que son cousin germain, Bermond VII, essayât d’y mettre aucun obstacle. Le nouveau comte ne jouit pas long-temps en paix de l’héritage de ses aïeux, que son père lui avait légué après l’avoir reconquis, pendant les quatre dernières années de sa vie, sur Amaury de Montfort, fils et successeur de Simon. Un plus redoutable et plus puissant adversaire ne tarda pas, en effet, à venir le lui disputer. Les rois de France n’avaient point oublié que deux de leurs plus illustres prédécesseurs, Clovis et Charles Martel, avaient autrefois conquis et gouverné nos belles provinces méridionales. Le jeune Louis VIII, fils de Philippe-Auguste, n’ayant pas, comme son père, à lutter contre les Anglais, résolut de joindre ce nouvel et beau fleuron à la couronne de ses pères. Après s’être fait céder les droits d’Amaury de Montfort, et avoir obtenu, pour ses projets de conquêtes, la consécration du pape, il prit la croix avec un nombre infini de seigneurs français, ses vassaux, et s’achemina vers les états de Raymond à la tête d’une puissante armée. »

A suivre

29 octobre 2016

François-Félix de La Farelle et les seigneurs d’Anduze… 1

Portant le nom de l’une des familles nobles les plus influentes d’Anduze pendant plusieurs siècles, François-Félix de La Farelle fut aussi le dernier représentant mâle de la branche anduzienne qui s’éteignit avec lui en 1872. Un patronyme oublié aujourd’hui mais dont la notoriété de certains de ses possesseurs et l’ensemble des différentes lignées apparentées firent l’objet d’une étude historique et généalogique de la part du célèbre archiviste et chercheur Prosper Falgairolle en 1896. Une belle référence.
Mon intérêt pour les de La Farelle anduziens, et en particulier de François-Félix, vint il y a déjà quelque temps avec l’acquisition d’un ouvrage sur les travaux de l’académie royale du Gard daté de 1842 où je le découvrais signataire d’un long article sur les seigneurs d’Anduze au XIII ème siècle… Reçu membre de cette institution en 1839, cette personnalité brillante aux multiples facettes – avocat, homme politique (il fut député), économiste, écrivain, philosophe – s’intéressa donc au passé moyenâgeux de sa ville natale, n’hésitant pas d’ailleurs à épingler le manque de rigueur du docteur Paulet et son histoire de la ville d'Anduze concernant la période évoquée !
En dehors du fait que le récit de cet auteur est je crois peu connu, il apporte, même si les grandes lignes historiques sont immuables d’un historien à l’autre, une version intéressante des événements qui menèrent à la chute de la première maison seigneuriale d’Anduze.
En voici le texte original
sans corrections qui prendra plusieurs billets ; j'ai simplement placé les rares renvois dans le récit même et dans une couleur différente, notamment celui concernant Paulet.

 


« Il est pour les cités les plus modestes, comme pour les nations les plus puissantes, de certaines périodes de gloire et de splendeur historiques, qui dominent tout le cours de leur existence : ce sont comme les points lumineux dont s’éclaire tout leur passé, ou, si on l’aime mieux, ce sont les sources fécondes de vivaces souvenirs, qui viennent encore, après de longs siècles écoulés, faire battre d’un doux orgueil le cœur du citadin paisible, et ranimer son patriotisme municipal.

« Anduze, ville de six mille âmes environ, assise aux pieds des dernières croupes des Cévennes, et à l’entrée des fertiles plaines du Bas-Languedoc, n’est pas moins riche en traditions de cette nature, que bien d’autres cités, ses heureuses rivales de population et d’importance. Sans remémorer ici son antique origine perdue dans la nuit des temps, et sa rénovation à titre de colonie romaine, nous pourrions retracer le rôle brillant qu’elle a joué à deux reprises différentes ; d’abord sous Louis XIII, dans la guerre civile et religieuse de l’amiral de Rohan contre Richelieu ; puis sous le grand roi, dans la fameuse lutte du garçon boulanger Cavalier, contre l’immortel vainqueur de Denain. Mais ce sont là des souvenirs encore frais et vivants, que tout bon Cévenol de la Gardonnenque(1) (Gardonnenque, vallée du Gardon) conserve et considère un peu comme des titres de noblesse personnelle. Nous croyons devoir, par conséquent, donner la préférence à une autre période des annales anduziennes non moins brillante, quoique bien peu connue de nos jours. C’est la période signalée dans notre histoire générale par la célèbre croisade contre les Albigeois, et l’incorporation définitive du comté de Toulouse au royaume de France ; grands événements nationaux, qui eurent pour conséquence d’éteindre dans nos contrées la domination de la première maison seigneuriale d’Anduze, celle des Bernard et des Bermond Pelet.

« Cette domination remontait jusques au commencement du X.me siècle, c’est à dire, jusques à l’origine même de la forme féodale. Elle avait pris, dans le cours du XII.me, une haute importance provinciale, et faillit en obtenir une tout à fait nationale dans la première moitié du XIII.me ; c’est ce que nous allons essayer de rétablir et de raconter ici.

« Par ses diverses branches, la famille d’Anduze dominait sur la ville dont elle portait principalement le nom, sur celles d’Alais, de Sauve, de Sommières, voire même pendant quelque temps, sur Uzès, Arles et Beaucaire, comme aussi sur une foule de châteaux forts ou bourgs clos, tels que ceux de St-Ambrois, Montalet, Génolhac, Portes, Joyeuse, etc.,etc. Son domaine s’étendait, en un mot, des limites du Gévaudan jusques à celles de la vicomté de Nismes, et des frontières du Rouergue jusques au Rhône. Elle avait contracté des alliances matrimoniales avec les familles féodales les plus haut placées du midi, les familles de Melgueuil, Montpellier, Narbonne, Roquefeuil, et autres ; enfin, elle avait fourni d’illustres prélats au siège archiépiscopal de Narbonne, ainsi qu’aux sièges épiscopaux de Nismes et du Puy.

« Au commencement du XIII.me siècle, point de départ de notre chronique, cette maison avait pour principal représentant Bernard VII d’Anduze, co-seigneur d’Alais, celui-là même dont le sceau nous a été conservé dans les planches de l’Histoire de Languedoc. On l’y voit représenté à cheval sur les deux faces, d’un côté casque en tête, et l’épée à la main, avec cette exergue : sigillum Bernardi de Anduzia ; de l’autre, sonnant du cor, suivi de deux chiens, et avec cette exergue, otium vel gaudium (le mot est effacé) Bernardi de Anduzia : loisir ou délassement de Bernard d’Anduze. Bernard VII prenait, comme la plupart de ses ancêtres, le titre de marquis, marchio ; et c’était, sans contredit, l’un des plus considérables barons de nos provinces méridionales en deçà de la Loire, dites plus tard provinces de la Languedoc. Il n’était cependant lui-même que l’un des grands vassaux de Raimond VI, comte de Toulouse ; mais c’est qu’il faut voir en réalité, dans ce comte, l’un des plus puissants princes souverains de l’époque, puisque, sous les titres divers de duc de Narbonne, de comte de Toulouse et marquis de Provence, il régnait sur la majeure partie de l’ancienne Gaule méridionale.


« Aucun prince en France, pas même le roi, dit le docte historien du Languedoc, ne pouvait lutter avec lui pour l’étendue des domaines » ; et un poète du temps va jusques à prétendre « qu’il tenait en fief de Philippe-Auguste, son cousin germain, autant de villes qu’il y a de jours dans l’année » ; ajoutons qu’il en possédait un grand nombre sous la suzeraineté de l’empereur, celle du roi d’Angleterre, et celle du roi d’Aragon. Ses états étaient d’ailleurs ceux de l’ancienne Gaule romaine, et peut-être même de toute la chrétienté, où fleurissaient au plus haut degré l’agriculture, le commerce, les sciences, les lettres et les arts, toutes les sources, en un mot, de la richesse publique, tous les éléments du progrès civilisateur. Pendant ces derniers siècles, nos compatriotes d’outre-Loire ont, il est vrai, prétendu avoir pris le pas sur nous, au point de vue de ce progrès ; mais il n’en était certes pas de même alors, et nos ancêtres du XIII.me siècle regardaient un peu ces peuples, qui portaient exclusivement le nom de Français, comme des semi-barbares.

« Ceci posé, l’on comprendra quelle devait être l’importance politique de la maison d’Anduze, en voyant Bernard VII marier, en 1208, son fils aîné Bermond de Sauve, sixième du nom, avec Constance, la seule fille légitime de Raymond VI, et la femme en premières noces de Sanche VI dit le Vaillant, roi de Navarre, lequel venait de la répudier sans cause connue. C’était, du reste, un usage assez fréquemment pratiqué par les princes souverains de cette époque, que celui de changer de femmes au gré de leur passion, ou selon les intérêts de leur politique ; Raymond lui-même avait, dans le temps, remplacé Béatrix de Béziers, mère de Constance, d’abord par une princesse de Chypre, puis par Jeanne, fille du roi d’Angleterre, de laquelle il avait eu Raymond VII, son successeur. »

A suivre

15 octobre 2016

La tour poétique d’Anduze…

Un peu dans la suite du précédent billet, voici une petite aquarelle de 1885 représentant notre tour de l’Horloge accompagnée d’un poème en occitan. Elle me fut apportée il y a plusieurs mois par un particulier anduzien qui, apprenant les travaux concernant le monument, voulait nous faire profiter de cette image inédite. Malgré les reflets de son verre d’encadrement j’ai pu la photographier de façon acceptable avant de la lui restituer.
 
N’étant pas un spécialiste de la langue occitane j’ai demandé à notre ami Daniel Travier de jeter un coup d’œil au document. Voici sa réponse : « J’ignore qui est ce JB signataire de ce texte adressé à Adrien SEITTE pasteur originaire d’Anduze qu’on connait bien par ailleurs comme auteur des « Silhouettes et portraits huguenots ». Le texte lui-même ne casse pas 3 pattes à un canard ! Sa teneur occitane est assez pauvre tant il est francisé. Veuillez en trouver ci-joint une traduction assez littérale et non littéraire pour laquelle j’espère ne pas avoir fait trop de contre sens. Bien à vous »

Comme tu es vieille tour grise,
Encore droite comme un i,
Le soleil, la pluie et le vent du nord,
N’ont fait autre chose que te brunir.

Mais ton front se garnit de mousse
Et quand revient le gai printemps,
Entre tes pierres l’herbe pousse,
Puis, se balance au gré du vent.

Autrefois tu étais toute fière
De défendre les Anduziens ;
Quand il fallait en temps de guerre
Se tenir armé jusqu’aux dents.

Mais ici la foule indifférente,
Chaque jour passe devant toi ;
Et reste bien ignorante
D’un temps qui ne reviendra plus.

Et pourtant, malgré ta vieillesse,
Tes services ne sont pas achevés,
Tu ne veux pas connaître la paresse,
Ton horloge nous avertit.

Il est vrai que quelques fois elle s’oublie…
Sans doute lui contes-tu ton passé ?
On lui voit faire une course
Puis, il semble qu’elle est lassée…

Si ta voix comme une trompète,
Redisait tous les matins,
Ce qui se fait en cachette,
Ce qui bien bas, de mal se dit,

Il y en a plus d’une qui lève la tête,
Qui baisserait vite le front,
Et ne demanderait pas son reste,
Mais devant Dieu qui peut se cacher ?

Chaque fois donc qu’une heure sonne
Pensons à notre dernier jour,
Et si chacun ici s’applique,
Nous nous trouverons heureux toujours.


Si à priori ce texte n’est pas d’une grande qualité (n’est pas félibre qui veut !), il n’en demeure pas moins que l’ensemble du documentdont le dessin n’est pas maladroitreste le témoignage simple et émouvant d’une personne très attachée à sa vieille tour…

1 avril 2016

Nostalgie, quand tu nous tiens !…


Souvenez-vous, en novembre dernier je fis un billet consacré à l’un de nos poilus qui se sortit miraculeusement d’une blessure à la tête. Il s’appelait Alfred Genolhac et j’évoquais par la même occasion son père, libraire à Anduze.

Et voilà que dernièrement je tombe par hasard sur cette carte postale ancienne du début du vingtième siècle, avec notre fontaine Pagode et les différentes boutiques de l’époque s’alignant derrière elle. Cette vue, à priori plutôt rare et particulièrement vivante avec cette ribambelle d’enfants, nous permet de situer sans conteste la petite librairie Genolhac ! Ceci grâce à l’initiative de ce commerçant puisqu’il en fut également l’éditeur !

Un document décidément très intéressant puisqu’il m’indique aussi la position du petit magasin d’horlogerie-bijouterie Revoux (à l’extrême gauche de la carte postale) qui vendait notamment et entre autres une  montre de gousset en argent avec sa clé de remontage comme celles de la photo, toutes deux signées de son nom et « à Anduze » (cliquer sur la photo pour l'agrandir).

Faire remonter à la surface du temps quelques éléments de notre petite histoire locale avec ce type de découverte, si modeste soit-il, c'est toujours un véritable moment de plaisir : les nombreux amateurs me comprendront !…

14 mars 2016

Cocorico !…

Un petit complément au précédent billet culturel avec cette photo inédite, pour ne pas dire historique, présentant notre coq de retour sur le « plancher des vaches » l’espace de quelques semaines pour une rénovation méritée dans les ateliers de l’entreprise Bodet.

La présence du technicien à ses côtés permet de constater la taille respectable du volatile, même si celui-ci a perdu au cours des années quelques plumes ! Perte due sans aucun doute au temps qui passe (je compatis, car moi-même…) mais aussi certainement à quelque soucis. En effet vous remarquerez que notre gallinacé préféré est aveugle. Alors imaginez ce temps interminable vécu, perché à vingt deux mètres de hauteur, sans avoir eu une seule seconde la possibilité d’admirer le paysage somptueux qui l’entourait…
La preuve en est qu’il ne s’est même pas aperçu qu’un autre oiseau avait fait son nids dans le globe qu’il protège jalousement avec l’une de ses pattes.

Mais tout cela c’est du passé ! Le coq d’Anduze va bientôt retrouver toutes ses plumes et la vue, bénéficiant d’une cure de jouvence qui lui redonnera aussi toutes ses couleurs. Et pour les mauvaises langues et les esprits chagrins, rassurez-vous : nous n’oublierons pas de le faire pisser avant de le remonter sur son socle, au sommet de la tour de l'Horloge pour des décennies !…

20 février 2016

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette : suite et fin…


VII – NOTRE HERITAGE

A/ La destinée de Jean-Louis Roquier


Au fil de notre récit, un personnage a été présent de bout en bout. Jean-Louis Roquier, né en 1763, est, à l’âge de 26 ans, député du Tiers d’Anduze à l’assemblée de la Sénéchaussée. De 1790 à 1792, Roquier, administrateur du district d’Alais, déploie une grande activité, surtout au moment de la « guerre des châteaux », pour contenir « l’anarchie » qui s’insinue jusque dans certaines « gardes nationales ».
En novembre 1792, la république a deux mois d’existence. Roquier devient (à 29 ans) membre du Directoire départemental. Il est le benjamin de cette Administration (plusieurs membres du Directoire ont dépassé la cinquantaine). A l’Assemblée électorale du Gard, Roquier dirige la protestation contre l’élection du « modéré » Vigier à la présidence du tribunal criminel ; les amis de Vigier essaient (vainement) de chasser Roquier du Directoire. En mars 1793, Roquier, Commissaire du Directoire pour l’achat des fournitures nécessaires aux Armées, mène rapidement à leur terme les missions qui lui sont confiées.
Survient la dissidence « fédéraliste ». Les Girondins ont engagé la France dans une guerre hasardeuse ; mais ils ont refusé de donner à la Révolution les moyens de sauver la Patrie menacée. Seule, une dictature momentanée permettait de faire front aux dangers, de préserver l’existence de la République. Un tel gouvernement révolutionnaire ne pouvait agir qu’avec l’appui des classes populaires (dont les grands bourgeois Girondins se méfiaient). C’est pourquoi la Convention suit les Montagnards, qui ont une attitude opposée.

Mais la « chute des Girondins » est mal acceptée par les administrateurs des départements méridionaux, qui ne craignent pas d’être en dissidence contre Paris, au moment même où la Convention doit faire face aux attaques redoublées des ennemis de dedans et du dehors. Peut-être les administrateurs, grisés par les prérogatives extraordinaires que la Convention leur confiait, ont-ils eu la faiblesse de surestimer le rôle qui leur était imparti. Cela n’excuse pas la formation d’organes illégaux, ni la volonté de résister aux armées « légales ».
Malgré leur ralliement à la Constitution de l’An I, et leur docilité aux ordres reçus après la chute de Pont-Saint-Esprit, les « fédéralistes » sont sanctionnés avec rigueur. Même si on leur avait fait grâce, ils auraient payé pour leurs erreurs par une « mort politique » certaine ; c’est vrai aussi pour Roquier, qui avait été, pendant quatre années, un artisan si actif de la construction révolutionnaire.

B/ Le bilan révolutionnaire d’Anduze

Comme toutes les périodes difficiles, la Révolution mêle des ombres aux lumières. En mesurant la grandeur de son bilan global, il n’est pas interdit d’émettre des interrogations sur certains aspects de l’époque révolutionnaire comme cette « déchristianisation », suggérée de haut, alors qu’un peuple entier était sollicité par les tâches les plus impérieuses.
Notre très fragmentaire évocation de la révolution à Anduze permet d’apprécier positivement le bilan de cette tranche d’histoire locale. A l’actif d’Anduze, il y a d’abord le texte si complet du cahier des doléances, qui soutient la comparaison avec les « cahiers » de villes plus importantes.
La vigilance des Anduziens, leur lucidité face au danger sont des constantes de l’époque révolutionnaire. Dès septembre 1789, on veut préserver la liberté religieuse, sans se dérober à la discipline révolutionnaire. En mars 1792, les Anduziens (moins exposés que les localités rhodaniennes) sont au premier rang de ceux qui poussent l’administration départementale à une action rapide et énergique ; ils tiennent à y participer !

On peut admirer la constante présence de la Garde nationale d’Anduze, partout où il faut protéger la légalité révolutionnaire (à St Jean de Gardonnenque en 1789, à Nîmes en 1790, au canton de Lédignan et à Alais en 1791, au canton de Saint-Ambroix en 1793). L’ardeur patriotique de nos devanciers est illustrée par la présence de volontaires sur le front franco-espagnol, mais aussi par l’aide appréciable dont ils prennent l’initiative, en faveur de l’armée des Pyrénées.
Enfin, Anduze, occupe une place honorable dans le fonctionnement des nouvelles institutions et (grâce à son Club) dans la réflexion et l’action politique. Il n’est pas surprenant que le souvenir de cet élan révolutionnaire ait marqué de nombreuses générations d’Anduziens.

C/ Les fils de quatre-vingt neuf

Revenons au procès-verbal établi en mars 1789, à l’issue de l’assemblée locale du Tiers-Etat, pour y relever quelques patronymes qui resteront très présents dans la « geste » locale, pendant de nombreuses décennies : Mazade, Galoffre, Gaussorgues…
Sous le Second Empire, un Mazade, propriétaire aisé, aurait pu se limiter à la gestion de son patrimoine. Mais, porteur de l’héritage de quatre-vingt neuf et de quatre-vingt douze, il anime, dans des conditions difficiles, le combat républicain. Redouté par le pouvoir autoritaire, il est astreint à résidence hors du département, et soumis à une surveillance étroite.
La défaite de 1870 condamne le Second Empire. Lorsqu’elle est connue à Anduze, une commission municipale provisoire prend place à l’Hôtel de Ville : c’est un Galoffre qui la préside. La République est revenue : Mazade est de ceux qui en consolident l’assise locale en participant, derrière Jean Mace, aux efforts de la « Ligue de l’Enseignement » en faveur de l’instruction publique.
   
La mémoire révolutionnaire

Au moment du premier centenaire de la Révolution, la mairie d’Anduze est tenue, depuis plusieurs années, par des républicains « avancés » - les républicains radicaux – vingt ans avant la fondation du parti radical !
Les héritiers du « Tiers-Etat » comprennent-ils les aspirations du « Quatrième Etat », cette classe prolétarienne (désormais nombreuse à Anduze et ailleurs) qui attendait beaucoup de la République et que la répression de la « Commune de Paris » a traumatisée ? L’ouvrier chapelier Frédéric Gas, militant républicain sous l’Empire, organise un groupe anarchiste. Tentation momentanée : à l’aube de notre siècle, au moment où Jaurès écrit le premier volume de sa grandiose « Histoire socialiste de la Révolution Française », une section de son parti insère le mouvement ouvrier local dans la filiation républicaine.

1939 est l’année du cent-cinquantenaire. Tandis que les nuages de la Contre-Révolution s’amoncellent au-dessus de l’Europe, la municipalité du « Bloc Ouvrier et Paysan », fidèle au souvenir de la Grande Révolution, accueillante aux proscrits, héberge des républicains espagnols, chassés de leur malheureux pays ; elle organise, avec quelque éclat, la commémoration de la prise de la Bastille et de la Fédération nationale.

Un an plus tard, la France et la République étaient vaincues. Une nouvelle « Restauration » se para, un moment, de l’appellation « Révolution nationale » ! Il ne fut point facile de chasser Marianne de la salle du Conseil. Echappant (de justesse) à l’outrage que lui réservait un groupe extra-municipal, cette Mariane (qui n’avait pas le « look » des arrière-petites-filles que nous lui connaissons) fut cachée, pendant quatre années-poussière, dans le recoin le plus secret de la Maison Commune. Elle n’y dormit que d’un œil : quatre-vingt douze n’était pas mort !
 
Fin.

7 février 2016

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 11


B/ L’ANNEE 1794 
Réorganisation de l’Administration et de la Justice

Le conventionnel Borie, représentant en mission, réorganise l’administration gardoise, épurée par les destitutions prononcées pendant l’automne 1793 (les « fédéralistes ont été éliminés). Le 11 Ventôse (1er mars 1794) au district d’Alais Privat-Larouvière remplace Roux, d’Anduze (qui n’a pas accepté sa nomination).
Le 29 Floréal (18 mai 1794) les justices de paix sont réorganisées. Dufes, ci-devant procureur à Anduze, devient juge à Alais. Les deux juges de paix désignés par Anduze et son canton sont le cultivateur Pierre Gibert (déjà en place) et Chabaud, ancien lieutenant de juge.

Le culte de la Raison

Pendant l’hiver et au printemps de 1794, dans de nombreuses localités, le Culte de la Raison remplace les religions chrétiennes. 228 gardois, ministres des anciens cultes traditionnels, abdiquent leurs fonctions. Anduze renonce aux cultes traditionnels le 7 Ventôse (fin février) ; le Culte de la Raison débute le 24 Ventôse (mars).
Le 21 Ventôse, abdication du « ministre » Jean Mirial (âgé de 44 ans) et du pasteur proposant François Astruc (21 ans). Abdiquent pendant le mois de Germinal (avril) : le curé Desfeux (âgé de 40 ans) et le pasteur Daniel Encontre (35 ans).

Deux Anduziens devant le Tribunal révolutionnaire
Le procès du « Comité de Salut public »
13-15 Prairial an II (1er-3 juin 1794)

Jean-Louis Roquier, 31 ans, ci-devant avocat, ancien administrateur du département, est arrêté le 8 octobre, à l’initiative du Comité de Surveillance ; le 13 Frimaire (début décembre), l’Accusateur public le fait écrouer.
Marc, Antoine Raffin, 53 ans, cultivateur, né à Anduze, habitant à Quissac, est arrêté le même jour et dans les mêmes conditions que Roquier : l’Accusateur public le fait écrouer le 9 Ventôse (mars 1794). Les anciens administrateurs sont jugés dans les premiers jours de juin.
MARSIAL, SOULIER, RAFFIN, RIBES, ABAUZIT, BOISSIERES, ROQUIER, GUIZOT, administrateurs du département à l’époque du fédéralisme, sont accusés des faits suivants :

Le 14 juin 1794, l’administration révoltée forma le projet d’une « assemblée représentative des Communes » ; la majeure partie des communes du Gard se réunirent par députés. Cette même assemblée forma un Comité dit « de Salut public ». Les administrateurs formèrent les principaux membres de ce pouvoir, usurpateur de la souveraineté nationale. Les susnommés sont prévenus d’avoir altéré la forme du gouvernement républicain et usurpé l’autorité nationale.

Raffin était absent le 14 juin et n’a pas signé l’arrêté ; il dit n’avoir pas assisté aux séances du Comité du « Salut public ».
Roquier, envoyé comme Commissaire en Lozère, n’est rentré que le 21 juin ; il n’a pas participé à l’arrêté du 14. De retour, il ne s’est occupé que de l’Administration ; il dit n’avoir point paru au Comité.
L’accusateur dit que les Séances de l’Administration prirent fin le 28 juin, et n’ont été reprises que le 15 juillet ; il s’y trouve une lacune, pendant laquelle les administrateurs se sont transformés en membres du Comité de « Salut public ». Roquier et Raffin n’ont pas cessé d’être présents aux opérations du Comité ; ils n’étaient pas à la séance du 14 juin.
Raffin dit n’avoir eu aucune connaissance du « Comité de Salut public ». Il reconnaît être allé à Marseille, « pour fraterniser » avec les administrateurs des Bouches du Rhône ; il partit le 14 et rentra le 20. Chargé d’une mission à Montpellier avec Guizot, il partit le 2 juillet (sans connaître, dit-il, l’objet de sa mission) ; il revint le 4. Raffin était membre du Directoire départemental.

Le 1er juillet 1793, Roquier fut nommé pour une mission à Arles ; il n’y alla pas. Pour avoir dit à l’Administration de se rétracter, il fut traité de lâche. Deux secrétaires de l’Administration, cités par Roquier, sont entendus.
Raffin prenait autrefois le nom « Du Crouzier » : cette seigneurie de 30 habitants, sise en Lozère, est entrée dans sa famille en 1733.

Après trois jours de débats, le tribunal déclare :
« Que…, Jean Raffin, …, Louis Roquier, … ci-devant administrateurs du Gard, sont convaincus d’avoir été les chefs des susdites conspirations, pour avoir pris des arrêtés liberticides et pour s’être associés à un soi-disant « Comité de Salut public », formé, le 25 juin 1793, lors du fédéralisme, par l’assemblée dite représentative des Communes. Ils sont convaincus d’avoir tenté de rompre l’unité et l’indivisibilité de la République : les prévenus sont condamnés à la peine de mort.
»
En entendant cette sentence, Roquier s’emporte et s’avance vers les juges ; les gendarmes sont appelés pour le retenir. Les prévenus sont protestants ; Ribes était « ministre ». Avant l’exécution, au soir de leur procès (15 Prairial – 3 juin), Ribes les exhorte et ils chantent des psaumes.

Le procès de Bertezène
5 Thermidor an II (23 juillet 1794)

Jean-Louis Bertezène, tanneur, est le frère d’un député du Gard à la Convention ; il est arrêté le 12 Brumaire (début novembre 1793).
Bertezène, ex-maire de St Jean du Gard, a été député à l’Assemblée des Communes. Il a provoqué le départ d’une force armée qui alla à Pont-Saint-Esprit, pour s’opposer au passage de l’armée de la République.
Bertezène déclare n’avoir assisté qu’à la première session de l’assemblée. En qualité de maire, il a fait accepter la Constitution Républicaine par le Conseil de sa commune, qui a envoyé une Adresse à la Convention ; celle-ci a délibéré une mention honorable, le 13 juillet. Lorsque le texte constitutionnel fut connu officiellement, Bertezène l’a fait à nouveau accepter, le 22 juillet.
On reproche à Bertezène d’avoir quitté la Société populaire, pour aller à la « Société des Républicains » ; d’avoir constamment voté pour Roquier et les autres. Le tribunal le condamne à mort ; il est exécuté au soir de son procès.

La situation au moment de ces procès
 

Au moment du procès des administrateurs « fédéralistes », Robespierre et les « Montagnards », maîtres du pouvoir central depuis un an, ont réussi à redresser une situation qui semblait désespérée. Dès la fin du mois d’août 1793, la levée en masse a permis de réunir des troupes nombreuses, pour faire front aux ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Pour équiper et ravitailler ces armées, de nombreuses réquisitions frappent les riches. Les défaillances et les menées contre-révolutionnaires sont sévèrement réprimées par la « Terreur ».
Les résultats obtenus sont à la hauteur de l’énergie déployée par la Convention « montagnarde » : les insurrections sont brisées, les frontières sont dégagées ; les armées de la République reprennent la Belgique. Mais l’ampleur même de ces succès remet en cause la rigueur de la dictature révolutionnaire : à la fin de Juillet 1794, les « Robespierristes » sont éliminés par les « thermidoriens ».

A suivre.

23 janvier 2016

Tour de l’Horloge : le temps s’est arrêté pour ses travaux !…

Ce mois de janvier voit le démarrage des travaux de rénovation interne de la tour de l’Horloge avec comme première priorité un accès plus facile et sécurisé aux différents étages pour aboutir enfin jusqu’à la terrasse. La structure en fer forgé encadrant la cloche et le coq installé à son sommet ne seront pas oubliés pour une réfection nécessaire. Un paratonnerre, inexistant à ce jour, viendra protéger l’ensemble du monument contre d’éventuels mouvements d’humeur de Zeus !
 
Sous la houlette de notre maître d’œuvre Frédéric Fiore, architecte du patrimoine, cinq entreprises se partagent, chacune dans leurs domaines, l’exercice de ce chantier anduzien d’exception. En voici les différents lots. N°1 : échafaudages, maçonnerie, pierre de taille, revêtement de sol, étanchéité ; n°2 : serrurerie, ferronnerie, miroiterie ; n°3 : menuiserie bois ; n°4 : électricité, éclairage ; n°5 : cloche, horloge, paratonnerre.
Des aménagements particuliers seront faits au rez-de-chaussée, future pièce d’accueil de la tour. D’abord parce que c’est le seul niveau accessible aux handicapés, mais aussi pour son caractère inondable en cas d’épisode cévenol sévère avec la montée du Gardon.
Même si la Ville d’Anduze prend à sa charge l’essentiel du financement de ce beau projet patrimonial et culturel, il lui aurait été difficile de le concrétiser sans le soutien de ses partenaires. Pour un budget global de 270 830 €, la DRAC (l’Etat) verse 45 000 €, le Conseil Régional 23 600 €, le Conseil Départemental 27 000 €.
 
Une fois ces travaux terminés il faut ajouter le temps de la mise en valeur des premiers aménagements opérationnels destinés à recevoir le public dans les meilleures conditions, avec notamment l’organisation d’une première exposition. Donc si tout se passe bien nous prévoyons l’inauguration de la tour de l’Horloge pour les prochaines Journées du Patrimoine, programmées en septembre 2O16. En attendant et pour ceux que l'absence du son de la cloche perturbe, sachez que notre première préoccupation sera de remettre en marche l’horloge dès que l’avancée des travaux du troisième étage et de la terrasse le permettra !…

10 janvier 2016

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 10


VI – SOUS LA CONVENTION (1793-1794)

A/ L’ANNEE 1793

L’effort de guerre au printemps 1793

A la fin de 1792, les armées de la République ont occupé la Belgique, la Rhénanie, la Savoie et Nice ; ces pays sont annexés. L’extension de la puissance française, puis l’exécution de Louis XVI (en janvier 1793) provoquent une coalition générale de tous les pays proches de la France, plus la Russie. Un immense effort militaire s’impose pour faire front à de si nombreux ennemis.
Le 24 mars 1793, le Directoire Départemental nomme ROQUIER Commissaire pour l’achat des fournitures nécessaires à 4 000 nouvelles recrues. Le premier avril, ROQUIER et CHAS sont chargés d’aller à Montpellier (et ailleurs, au besoin) pour faire l’achat des fournitures demandées par les districts. Dès le 6 avril, ROQUIER rend compte de sa mission.
Le 15 avril, les représentants de 34 sociétés « patriotiques » se réunissent à Nîmes, en l’église du Grand Couvent, pour tenter un nouvel essai de fusion entre la Société Républicaine (bourgeoisie) et la Société Populaire de Nîmes. La Société Populaire d’Anduze est représentée par MOUTIER et REILHAN. Cette tentative n’aboutit pas plus que les précédentes : mais le président du Conseil de département encourage le Comité central des Sociétés Populaires à poursuivre ses efforts d’unification.

En raison de la situation militaire à la frontière espagnole, la Convention envoie, dans le Midi, des « Représentants en mission ». Pour faire front au danger, il faut organiser une nouvelle force armée. Le 22 avril, sur réquisition des représentants en mission, le Conseil de département appelle 24 villes et bourgs (dont Anduze) à fournir 945 fantassins, 106 cavaliers et 40 canonniers, par appel au volontariat (et, au besoin, par tirage au sort). Les 1091 recrues seront équipées par leurs communes d’origine.

Le « fédéralisme » (juin-juillet 1793)

Le 2 juin 1793, les révolutionnaires parisiens obligent la Convention à arrêter les chefs « girondins » opposés à la « Commune ». Pour faire front aux immenses dangers (intérieurs et extérieurs) qui menacent la France et la Révolution, les « Montagnards » confient le gouvernement révolutionnaire à un « Comité de Salut public ». Mais le Midi « fédéraliste » est favorable aux Girondins proscrits (Rabaut Saint-Etienne est du nombre) qui s’opposent aux mesures de « Salut public », rendues nécessaires par une situation dramatique.
Le 3 juin, le Conseil de département interdit partout les « coalitions » de travailleurs, qui pourraient demander des augmentations de salaires ; mais le prix maximum des grains n’est imposé que dans dix villes (dont Anduze).
Le 13 juin les « Sections » (quartiers) de Nîmes et d’Alais demandent au Conseil de département de convoquer les assemblées électorales. Cette réclamation est soutenue par la municipalité de Nîmes et par la « Société des Républicains français ». Le Conseil permet à chaque commune (et à chaque section urbaine) de désigner un délégué qui siègera dans une « Assemblée représentative des Communes ». Cet organisme (illégal) se réunit le 21 juin ; Anduze y est représentée par FONTANES et REILHAN. L’Assemblée forme, en son sein, un Comité de seize membres, chargé de préparer ses travaux ; FONTANES et REILHAN sont membres de ce Comité. L’Assemblée des communes se proclame en « état de résistance » (c’est-à-dire d’insurrection) contre la Convention « montagnarde ».
Le Comité de « Salut public » du Gard lève, parmi les Gardes nationales, une force départementale, qui doit être portée vers les Pyrénées, mais beaucoup de ceux qui sont désignés pour en faire partie se déclarent « infirmes » et produisent des certificats de complaisance. Le 10 juillet, les citoyens d’Anduze s’estiment requis irrégulièrement ; ils offrent cependant « de rester attachés à la force départementale et de servir la patrie dans ce corps ». Le « Comité de Salut public » remercie les Anduziens pour leur attitude patriotique.

Ralliement du Gard à la Convention

Pour soumettre le Midi, la Convention y envoie le Général CARTEAUX, à la tête de quelques milliers d’hommes. Le 14 juillet 1793, CARTEAUX s’empare de la citadelle de Pont-Saint-Esprit, véritable « porte du midi ». Le même jour, le texte de la constitution républicaine (votée le 24 juin), parvient à Nîmes.
Le Conseil départemental se rallie aussitôt à la nouvelle constitution : l’Assemblée des Communes n’est plus en état de « résistance à l’oppression ». Dès le 16 juillet, les districts se rallient à la Convention ; les administrateurs chassés par les « fédéralistes » sont réintégrés.
Le 21 juillet, les assemblées primaires cantonales doivent se prononcer sur la Constitution, que le Gard accepte unanimement. Les administrateurs départementaux (qui ont dû rétracter leur attitude hostile à la Convention) rendent compte, le 27 juillet, de leur administration, qu’ils s’efforcent de justifier :
« Les citoyens craignaient une dissolution de l’Etat. Les sections de Nîmes, d’Alais, d’Uzès, de Beaucaire, de St Hippolyte, d’Anduze, de Saint Jean, de Sauve… s’étaient déclarées permanentes, elles attendaient le rapport sur les troubles qui déchiraient la Convention à Paris ».
Le 12 septembre, les administrateurs départementaux, compromis dans la dissidence « fédéraliste » cèdent la place à leurs successeurs.

Arrestations et incarcérations pendant les premiers mois de 1793 (An I)

Le 9 Ventôse (début mars), Jean-Antoine REILHAN est arrêté sur intervention de l’Accusateur public ; il est libéré un mois plus tard, le 9 Germinal (début avril).
Le 25 Ventôse (mi-mars), sont arrêtées Angélique PORTALES et Françoise RIVAUD, ainsi que deux religieuses : Jeanne FABRE et Thérèse PAULET ; Jeanne FABRE n’était pas encore libérée en Messidor (Juillet).
Le lendemain, 26 Ventôse, le marchand Antoine CAHOURS est arrêté sur intervention de la municipalité ; il est écroué à Alais ; puis libéré, six mois plus tard, le 26 Fructidor (septembre) par le tribunal révolutionnaire.
Le 3 Messidor (fin juin), le négociant BERGER est écroué à Alais ; il est libéré deux mois plus tard, le 10 fructidor (mi-septembre).
DU MERLET, noble de Tornac, a été incarcéré sur intervention du Comité de Surveillance d’Anduze. Il était écroué le 26 Messidor (mi-juillet).

Maintien de l’ordre - Aide aux Armées (An II)

Au début d’Octobre 1793, des bandes rebelles opèrent en Bas-Vivarais et dans le canton de Saint-Ambroix. Le Conseil de département y envoie l’administrateur MAIGRON, accompagné de trois compagnies de chasseurs à cheval. Les renforts sont bientôt demandés : on fait appel aux Gardes Nationales de St Jean du Gard, Anduze et Vézénobres. Le 21 octobre, le Conseil autorise MAIGRON (son Commissaire à Alais) à faire marcher 200 Gardes Nationaux de St Hippolyte, Anduze, St Jean du Gard pour les diriger vers Saint-Ambroix.
Le 30 Brumaire an II (20 novembre 1793) BON (fils aîné), Augustin BASTIDE, et Charles ROBERT, d’Anduze, NOVIS, LAFONT et FROMENTAL, et autres habitants des métairies de Tornac, recueillent « plusieurs voitures chargées d’habits, bas, souliers, chemises » qu’ils conduisent eux-mêmes à l’armée des Pyrénées !

A suivre.